Sept mers et treize rivières



Sept mers et treize rivières
Monica Ali




Belfond, 2004


Le Magazine Littéraire de juin 2008 a consacré son dossier aux romancières anglaises, "de Jane Austen à Zadie Smith...". Bref, l'incontournable !

Parmi elles, Monica Ali. "Figure du muticulturalisme, née en 1967 à Dacca, d'un père bangladais et d'une mère anglaise, elle a rejoint l'Angleterre dès l'âge de 3 ans. Son entrée en littérature, avec Sept mers et treize rivières, est l'une des plus fracassantes de ces dernières années, alors que le roman s'avère d'une infinie délicatesse, échappant aux stéréotypes et trouvant le juste équilibre entre comédie et tragédie, dans son évocation du destin parallèle de deux soeurs. Restée au Bangladesh, pour y vivre un mariage d'amour qui tourne mal, Hasina correspond avec Nasreen, installée au coeur de l'East End. Son mariage arrangé avec un homme plus âgé qu'elle et passablement ridicule ne l'empêche pas de se frayer tranquillement un chemin entre le respect dû aux traditions du pays d'origine et les possibilités offertes par le pays d'accueil."

La trame de la vie de Nazreen est dévoilée dès le début du roman :
"Ce qu'on ne peut pas changer doit être enduré. Et comme rien ne pouvait être changé, il fallait tout endurer. Ce principe gouvernerait son existence. Ainsi, à trente-quatre ans, après que trois enfants lui furent offerts et que l'un d'entre eux lui fut repris, alors qu'elle avait un mari puéril et un jeune amant exigeant imposé par le destin, quand pour la première fois de sa vie elle se découvrit incapable d'attendre que l'avenir se dévoile et obligée de la forger elle-même, Nazneen fut aussi surprise par sa propre capacité d'agir qu'un nouveau-né agitant son poing serré et se donnant par mégarde un coup dans l'oeil."

L'histoire se déroule principalement de 1985 à 2002, et est vue par les yeux de Nazreen. C'est elle qui lit et relit les lettres de sa soeur. La belle Hasina fuit sa famille pour se marier par amour, puis quitte son mari qui la bat, travaille en usine, tombe dans la prostitution, puis est engagée dans une riche famille comme nounou. Ses lettres dévoilent son histoire et celle de nombreuses femmes du Bangladesh,  sans misérabilisme mais sans hypocrisie.
Hasina est plutôt exploitée par sa riche patronne Lovely, il faut bien lire ses lettres "entre les lignes", mais n'est pas aveugle pour autant.
Un extrait d'une lettre:
"Lovely elle veut monter une association pour pas que les enfants ils travaillent. Quels enfants? j'ai demandé. Oh tous elle a répondu. La servante des voisins aussi? j'ai dit. Elle a eu l'air surpris. Mais elle est comme une fille pour eux. Les petits garçons sur le toit qui réparent les gouttières et enlèvent les feuilles alors? Elle a eu l'air un peu fâché. C'est différent elle a dit. Lesquels alors? j'ai demandé. Le garçon qui vient vendre le beurre? Lovely elle a dit bon tu laves par terre oui ou non?"

De son côté, Nazneen suit son mari à Londres. Au début elle ne sort guère de son appartement, ne parle pas anglais. Elle découvre, sidérée, le patinage artistique à la télévision (passage fort amusant), elle s'aventure seule dans la rue, se perd, mais se débrouille pour entrer dans un pub (toilettes), un restaurant (demander son chemin) "Oui, voilà ce que j'ai fait!" Elle démarre de petites rebellions à l'égard de son mari Chanu (mettre du piment dans son sandwich, ranger ses chaussettes sales sans les laver, déranger ses dossiers ... ) mais Chanu ne s'en aperçoit guère alors elle cesse.
Ah! Chanu. Il a le double de son âge, du ventre, et des projets qu'il ne réalisera jamais ! Mais il ne la bat pas et se déclare heureux de l'avoir épousée. Nazneen évolue, elle fait le choix d'essayer de lui rendre la vie familiale agréable, ce qui n'est pas toujours facile avec leurs deux filles ne rêvant que de vivre à l'anglaise (les toasts aux haricots versus cuisine pakistanaise ...). Elle gagne un peu d'argent avec sa machine à coudre, affronte une usurière, papote avec son amie Razia. Elle noue une relation avec Karim, mais continue à porter le sari et, dans la rue, marche derrière son mari ...
En toile de fond les problèmes de vie dans le quartier, le racisme, la religion, la drogue ...

Impressionnant quant on sait qu'il s'agit d'un premier roman. Monica Ali ne force jamais le trait, ses personnages sont touchants, son humour est subtil. C'est au lecteur de découvrir et de se faire son opinion parmi les faits et les dialogues. Je retiendrai de belles histoires de femmes qui veulent prendre leur destin en main et leur évolution dans leur pays d'immigration.

Commenter cet article

kathel Il y a 5 ans
Je l'ai lu il y a un moment (avant blog !) et j'avais beaucoup aimé, mais j'avais été déçue de lire quelques critiques négatives... tu me rassures !
Manu Il y a 5 ans
J'étais moi aussi très attirée par ce livre mais, ayant lu quelques critiques négatives, j'hésitais. Je suis contente de voir vos deux avis positifs !
J'avais aussi beaucoup aimé "Sourire de loup" de Sadie Smith, dans un registre un peu similaire (enfin un peu quoi ! )
anjelica Il y a 5 ans
Il est noté
sybilline Il y a 5 ans
Alors là tu me fais hésiter: Ta belle présentation me ferait courir sans hésiter acheter ce livre, mais voilà que dans les commentaires, tu mets Monica Ali en parallèle avec Zadie Smith, une auteur que je n'ai pas du tout aimée...Alors quid?
Dominique Il y a 5 ans
Brick Lane a déjà été adapté au cinéma, et j'ai vu ce film en avril. Je l'ai trouvé un peu moins intéressant que le roman que tu décris là. Il y est surtout question de Nazneen, les lettres de sa soeur font l'objet d'images un peu "carte postale". Le mari est ridicule c'est vrai mais lorsqu'il retourne au pays il ne force pas Nazneen et ses filles à le suivre. Quant à l'ami Karim, il devient islamiste dans le film, et elle rompt avec lui.
keisha Il y a 5 ans


Avec les films, j'ai bien du retard ! La vie de la soeur n'est hélas pas "carte postale" dans le livre, elle tombe dans la pauvreté et la prostitution, leur mère
s'était en fait suicidée (dans le livre on s'en doute assez vite), et les femmes et les enfants de famille non aisée ont une vie rude au Bangladesh. C'est ce qui ressort du livre, mais sans que
l'auteur appuie trop.
Oui Nasreen aurait pu tomber sur pire comme mari !
Je verrai si j'ai occasion de découvrir le film...



Ys Il y a 5 ans
Ce livre m'a bien plu à moi aussi, très beau portrait de femme qui ouvre sur une vie que je n'aurait pas imaginée
keisha Il y a 5 ans


Pour moi ce livre a largement tenu ses promesses et Nazreen et Hasina sont des personnages attachants et intéressants dans leur évolution.



Cathe Il y a 5 ans
Moi aussi j'avais lu ce livre avec beaucoup d'intérêt et de plaisir. Vraiment une belle surprise pour un premier roman !
keisha Il y a 5 ans


Tout à fait, la narration est bien maîtrisée. Il semblerait, hélas, que son second roman n'ait pas obtenu le même succès, mais je n'en sais pas plus.



la nymphette Il y a 4 ans
J'ai vu le film issu du roman: il était également magnifique avec une très belle musique. Le roman lui m'attend dans ma bibliothèque!
keisha Il y a 4 ans


Le roman se lit agréablement et en assez peu de temps, mais  j'ignore si le film y était fidèle. J'imagine bien la superbe musique indienne là dessus et les
saris, etc ... En tout cas les personnages sont attachants.



sylvie Il y a 4 ans
allez je note il y a longtemps que ce très beau titre, très évocateur me faisait de l'œil...Et tu es convaincante :)
keisha Il y a 4 ans


Ouch ! Alors j'espère que cette lecture te plaira également. Du dépaysement et aussi la vie et l'évolution d'une femme immigrée en Angleterre. Il semble que le film
soit aussi fort beau.



Freude Il y a 4 ans
Qu'est ce que c'était bien ce livre. Elle en a fait paraître un autre traduit en français dont le titre m'échappe...
keisha Il y a 4 ans


Il s'agit de Café Paraiso qui est d'ailleurs sorti en poche. Il semble qu'il ait eu moins de succès que le premier, mais je ne l'ai pas lu.



Freude Il y a 4 ans
C'est ça! Merci. S'il est sorti en poche, je vais sûrement l'acheter.
keisha Il y a 4 ans


Normal qu'on se donne les infos. Je te souhaite bonne lecture et saurai si c'est aussi bien que le premier.



Nymphette Il y a 2 ans


J'ai bien aimé ce roman, mais largement préféré le film qui avait une poësie tout particulière... Tu l'as vu?


Dans le roman, il m'a manque un peu d'empathie pour ces deux femmes



keisha Il y a 2 ans


@ Nymphette


Non, je n'ai pas vu le film... Je crois que l'auteur vient de sortir un autre roman.



Nymphette Il y a 2 ans


En effet, le roman "En cuisine" aui a de bonnes critiques...



keisha Il y a 2 ans


@ Nymphette


Je verrai ça en bibli, en poche ou autres... Je suis sage! Tu sais, tout à l'heure je ne me moquais pas de toi,
j'ai encore plein de livres à lire du salon 2009...



bruno Il y a 2 ans


bonsoir


Très beau roman très émouvant mêmesi ce n est pas toujours facile d y rentrer en raison des particularismes culturels qui peuvent nous échapper



keisha Il y a 2 ans


@ bruno


Ah ça oui, les particularismes culturels... De plus ce sont des femmes qui évoluent, et immigrées... J'ai un bon souvenir de ce roman.

Commentaires