Retour au pays bien-aimé



http://image2.evene.fr/img/livres/g/2752902077.jpgRetour au pays bien-aimé
Karel Schoeman
Phébus, 2006
 
 
 
Catégorie : Roman absolument magnifique.
 
Né en Afrique du sud, George a quitté le pays à l'âge de cinq ans. Son père était diplomate, sa mère vient de mourir, les yeux tournés vers ce pays jamais oublié et Georges quitte la Suisse pour une semaine durant laquelle il espère régler quelques affaires et retrouver Rietvlei, la ferme de ses grands parents Neethling. Hélas seuls l'attendront quelques souvenirs affleurant à la surface, des ruines et des rosiers sauvages presque défleuris.
 
Des voisins fermiers, les Hattingh, l'accueillent simplement et insistent pour qu'il rencontre les fermiers du voisinage. Anciens citadins ayant connu des jours meilleurs ou fermiers autrefois riches devant vivre frugalement, ceux-ci évoquent un passé regretté et des événements terribles les obligeant à vivre sans guère d'espoir d'une vie meilleure et dans une peur diffuse.
 
George, perdu dans ses souvenirs, ne comprend pas ou ne veut pas comprendre ce qui l'entoure; après des années d'exil, il se sent chez lui dans ce pays dont il parle la langue, mais en même temps tout lui échappe. Tâtonnant sans trop de conviction, il parvient à saisir quelques fils, mais ne peut s'engager et repart  : "le lendemain, il serait chez lui".
Repliés sur eux-mêmes, vivant dans le passé ou cherchant la lutte, les membres de cette communauté rurale ne dévoileront pas tous leurs secrets.
 
Quels événements ont poussé à l'exil tant d'habitants il y a une génération? Pourquoi la violence? Les luttes? Les interventions policières? Aucune explication dans ce roman. Rien dans l'histoire de l'Afrique du sud n'est éclairant (le roman est paru en 1972, en plein apartheid) Que ce roman demeure hors du temps, voire hors d'un lieu précis, quelle importance? Il n'en est que plus fort.


Douleur de l'exil, incompréhension de George, méfiance des autres, attentes déçues, tout cela baigne dans une ambiance souvent pesante, sous la menace d'un danger imprécis. Ce roman magnifique, superbement écrit, se lit d'une traite.
 
"Non, ça ne fait rien, méprise-nous tant que tu veux. Mais tu sais, quand on arrête de considérer quelqu'un comme un être humain, quand on ne le traite plus comme tel, il oublie peu à peu qu'il en est un. Il perd sa fierté, sa dignité; alors la seule chose qui compte est de rester en vie, on rampe, on se tortille, on s'humilie sur commande, j'ai vu cela chez mes propres parents, et j'ai peur, j'ai peur de cette déchéance, beaucoup plus que de la vieillesse, de la maladie ou de la pauvreté. C'est ce qu'ils pouvaient nous faire de pire. Passe encore qu'ils nous aient chassés, cela n'a plus d'importance; ce qui me fait vraiment peur, c'est l'idée de ne plus être un être humain, de ne plus rien pouvoir faire, de ne plus rien signifier."
 
Les avis de clarabel, fahrenheit451, Dominique (nuages et vent), Eeguab,

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clara Il y a 1 an

J'aime ton intriduction ... roman absolument magnifique ! Tu sais nous ferrer !
Anis Il y a 1 an

Le passage que tu cites est très fort ... J'aime beaucoup les histoires qui se passent en Afrique du Sud car tout y est tendu à l'extrême, les sentiments et les situations obligeant les
caractères à se révéler...
Gwenaëlle Il y a 1 an

Je vois que c'est toujours pareil par ici : on lit ton billet et à la fin, on a envie d'acheter le livre!
cathe Il y a 1 an

Je l'avais lu à sa sortie et me souviens d'une impression positive mais mitigée à cause de l'imprécision de l'époque décrite... Je copie un extrait de mon billet d'alors


J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui exprime avec sensibilité des sentiments parfois contradistoires. Les personnages sont décrits avec justesse et on a l'impression de les avoir
rencontrés. Une seule chose m'a gênée, c'est l'imprécision de la période à laquelle se passent ces événements. Rien dans le texte ne donne la moindre indication.J'ai cru au début que c'était la
période post-abolition de l'apartheid, mais en fait il semble que ce soit beaucoup plus ancien. L'auteur étant né en 1939, l'histoire se passerait environ en 1970 et ferait référence à des
événements des années quarante (l'émigration massive des Afrikaners)
Mango Il y a 1 an

En voyant le titre, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à un autre sur l'Afrique du Sud que j'avais bien aimé: "Pleure, ô pays bien aimé" de Alan Paton sauf que là l'histoire est celle de
l'apartheid pur et dur.
Malika Il y a 1 an

Ca semble bien en effet !!!
Aifelle Il y a 1 an

Je te fais confiance sur ce coup-là et comme je suis une vieille lectrice d'André Brink et de Nadine Gordimer, je devrais pouvoir m'y retrouver.
lewerentz Il y a 1 an

A priori, ça ne m'intéresserait pas trop mais ton billet est persuasif :-) Je le note !
kathel Il y a 1 an

Tu es convaincante mais pourtant l'aspect "hors du temps" me gêne... à tenter à la bibli...
Eeguab Il y a 1 an

Comme je suis heureux de te voir aussi enthousiaste.Cet auteur est immense.Et je pèse mes mots.
gambadou Il y a 1 an

Tentant, même si il n'y a pas de réponses ...
Philisine Cave Il y a 1 an

Le fait de ne pas préciser le lieu permet l'universalité de l'oeuvre. C'est un procédé littéraire assez développé (ce fut le cas pour Incendies de Wadji Mouawad et de sa dernière pièce Temps
également).
Alex-Mot-à-Mots Il y a 1 an

J'aime bien ta catégorie
Nuku_Hiva95 Il y a 1 an

Aucun rapport mais je voulais te remercier de m'avoir recommandé le livre de Schultheis. Il m'a bien plu. (Là, je termine The Daughter of Time, j'adore).
In Cold Blog Il y a 1 an

Keisha, l'orpailleuse littéraire à l'oeil de lynx qui sait dénicher les petites pépites à côté desquelles beaucoup sont passés. Je note (encore, et encore !)
Loo Il y a 1 an

C'est drôle car ce livre n'a pas l'air si intéressant sans ton commentaire. Mais évidemment avec le commentaire que tu laisses ça tente déjà beaucoup plus.

J'adore ta catégorie de romans! Très parlant!  Et quel extrait! Soupirs... des arguments choc... Bon, je me
raccroche à JM Erre pour oublier cette tentation dans l'immédiat, mais c'est noté.
Sandrine L. Il y a 1 an

"Ce qui me fait vraiment peur, c'est l'idée de ne plus être un être humain."


Parfois je me dis le contraire: ce qui me fait vraiment peur, c'est justement l'idée d'être un être humain. Mais bon, c'est comme les goûts et les couleurs... ;-)
Dominique Il y a 1 an

j'ai aimé tous les livres de cet écrivain, un auteur magnifique et j'attends avec impatience que Phébus nous en fasse traduire un peu plus car il a beaucoup écrit je crois
Titine Il y a 1 an

Je n'avais pas du tout repéré ce roman mais tu en parles vraiment bien. Je suis très tentée si tu l'as trouvé magnifique.

Comment en plein parartheid, peut-on ne pas en parler? J'avoue que ça me gêne à priori. Je ne connais pas l'auteur mais pourquoi ce refus?  Andre Brink, lui, est inscrit  dans une
période et il parle de son pays sans en occulter l'essentiel.
Dominique Il y a 1 an

Il y a encore : la saison des adieux et en un étrange pays, ils sont excellent mais à mon goût un peu moins prenants que les deux autres
jerome Il y a 1 an

Ton billet donne très envie. Et puis j'aime bien cet éditeur.
Leiloona Il y a 1 an

Oh et en plus le thème me plaît ... Bingo, je le "zyeute" à la bibli ! ;)
keisha Il y a 1 an


@ Leiloona


Subtil, on ne le lâche pas. Pas de paillettes, mais très fort!



Manu Il y a 1 an

J'ai déjà noté "Cette vie" de cet auteur. On verra lequel finira entre mes mains.
keisha Il y a 1 an


@ Manu


Suivant ce que tu trouves en bibli!



Theoma Il y a 1 an

c'est une catégorie que j'aime bcp !
keisha Il y a 1 an


@ Theoma


Elle est fournie, mais là j'ai voulu mettre encore plus l'accent.



Flo Il y a 1 an

Je crois que j'ai un réel pb avec cet auteur. J'ai "La saison des adieux" en stand-by depuis des années et là je rame sur "Cette vie". Je n'accroche pas à son style je pense. C'est ultra-lent,
décousu : je galère ... Et ton billet me donne le sentiment que je n'aimerais pas celui-là non plus T_T. Je n'aime pas qu'un écrivain me résiste (surtout quand ça parle
d'Afrique du Sud) et je t'envie d'avoir su aimer ce livre...
keisha Il y a 1 an


@ Flo


Justement je l'ai lu sans peine, c'est fluide, je tournais les pages. Pareil pour Cette vie. Dommage pour toi (mais j'ai lâché un Brink, je l'avoue)

Commentaires